La direction désigne un nombre prédéfini d'élus non syndiqués au CSE central : un accord unanime pour éviter le pire
Chez Flunch, ce n'est pas de gaieté de cœur que les syndicats signent des accords unanimes qui organisent la répartition entre syndiqués et non-syndiqués dans les instances en laissant la direction libre de désigner ces derniers. Cela ne veut pourtant pas dire qu'ils sont aux ordres. Certains passent même du côté obscur de la force ...
Sauf PSE pour cause de fermeture, chacun des 180 restaurants de Flunch embarque un CE dont le rôle reste essentiellement limité à l'organisation de l'arbre de Noël, avec un budget ASC qui ne représente que 0,4 % de la masse salariale. Dans des restaurants où l'effectif moyen tourne autour de 30 salariés, les élus ont élu trois titulaires au maximum en 2017. La direction ne manquant pas de rappeler l'importance pour les «sans étiquette » de se présenter au second tour, pour notamment contribuer à créer du lien avec les ASC. De quoi limiter les PV de carence tandis que la CGT (premier syndicat avec 34 % des voix) n'est présente que dans 40 restaurants tandis que l'on retrouve la CFDT (27 % des voix) dans une petite trentaine ...
Élections trop risquées
Dès lors, on comprend mieux pourquoi les syndicats ont unanimement signé l'accord sur la composition du CCE en 2017, là où tout se passe sur le plan des missions économiques et sociales. Cet accord prévoyait 20 titulaires, dont 10 sans étiquette et désignés au libre choix de la direction. « S'en remettre aux élections était trop risqué. La fédération a bien validé la signature de cet accord défensif», souligne Samuel Yim de la fédération CFDT des services. Même approche pragmatique pour l'ensemble des fédérations vers lesquelles les syndicats ont fait remonter ce projet d'accord atypique. Sans accord, les syndicats pouvaient en effet parfaitement se retrouver minoritaires au CCE. La direction reconduit la formule à l'occasion du passage en CSE. Il y en aura toujours autant que de restaurants mais on trouvera cette fois 25 titulaires au CSE central, dont 12 non syndiqués et désignés par la direction. Onze sièges sans étiquette sont ainsi réservés aux représentants des restaurants (un pour l'encadrement et dix pour les employés) tandis que le dernier va à un représentant du siège social. Ils seront désignés par la direction à l'issue des élections de fin 2019. Les syndicats obtiennent une majorité toute symbolique par rapport au précédent accord. Une fois encore, ils ont unanimement signé pour éviter le pire.
À noter que, chez Flunch, les moyens syndicaux ne sont pas alloués en fonction des scores électoraux. Ce sera un délégué syndical central et 15 délégués nationaux pour chaque organisation représentative avec un budget annuel qui passera de 4 800 à 6 000 euros par an. Cette uniformisation modère assurément les capacités d'action des plus représentatifs.
La désignation par la direction : une opportunité ?
La contrainte imposant un nombre d'élus non syndiqués désignés par la direction présente paradoxalement une opportunité pour les syndicats : mieux vaut s'employer à jouer collectivement car la division se paie. Il suffit en effet qu'un seul se rallie aux « sans étiquette » pour mettre les voix des autres syndicats en minorité.
« Cette composition nous incite à fonctionner en intersyndicale et c'est ainsi que nous parvenons à rendre de plus en plus souvent des avis unanimes avec les non syndiqués qui sont sincères dans leur engagement et qui découvrent l'envers du décor. C'est un vivier. Certains d'entre eux ont d'ailleurs déjà rejoint la CFDT», explique Grégory Dubois, délégué syndical central de la CFDT Flunch. Sur les 10 désignés par la direction en 2017, ils ne sont plus que 4 à participer aux séances. Ce sont les plus enclins à se laisser convaincre par les argumentations des syndiqués. Ce sont également eux que la direction est susceptible de désigner à nouveau pour leur assiduité au futur CSE central, sans avoir été élus lors des élections de novembre prochain.
Finalement, les « sans étiquette » constituent des aiguillons utiles dans un contexte économique qui s'est tendu. En 2018, un PSE a ainsi conduit à la fermeture de 4 restaurants. De quoi réveiller les syndicats qui ont engagé un contentieux pour élargir le périmètre des reclassements. Selon Philippe Delahaye, délégué syndical CFE-CGC qui a intégré l'entreprise il y a 40 ans, « nous avons des interrogations sur les décisions de la direction et des craintes sur la pérennité de la marque. Et pendant ce temps là, la fonction managériales n'est plus reconnue et souffre. Ces inquiétudes m'ont fait passer à l'action syndicale il y a deux ans. C'est aussi ce qui explique que nous votons désormais des expertises pour être en mesure de répondre aux projets de la direction. Sur les PSE, bien entendu, mais aussi sur les orientations stratégiques et les comptes». Le recours aux expertises, avec parfois l'apport des voix de certains élus non syndiqués, constitue donc une nouveauté. Quand tout allait très bien, les syndicats un peu endormis n'en voyaient pas l'utilité.
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